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  • Photo du rédacteurKarin

Madonna d'Ongero et Torello

Ce qui me fascine dans les forêts qui nous entourent, c’est que l’on peut être certain en s’y promenant d’y trouver une merveille, une trace du passé, une étape de chemin de croix, une église seule parmi les arbres, une grange oubliée. Sans parler de la nature foisonnante et variée où les palmiers et les bambous commencent à envahir le bois qui soudain s’ouvre sur un lac (mince, lequel?) et des sommets à perte de vue.


Cette petite promenade que nous avons effectuée début janvier en est l’illustration. La neige recouvre durablement nos collines depuis le mois de décembre ce qui est moins courant sous nos latitudes ces dernières années. C’est donc sur un chemin gelé qu’il faut s’aventurer mais cela en vaudra la peine et il n’y a pas grand monde. A part un vététiste, deux chevaux et un bonhomme de neige. Et quelques traces moulées dans la glace dont celle d’un chien, énorme.


Se garer près de la piscine de Carona n’est pas un problème au matin du 8 janvier, mais peut en devenir un lors de la saison touristique, Covid ou pas. Nous nous dirigeons vers la Madonna d’Ongero, à une dizaine de minutes du parking.



Une fontaine étonnante en pierre accueille notre entrée dans la forêt. Un autel, un banc rouge puis le chemin s’enfonce un peu plus parmi les hêtres et les châtaigniers. Au bout d’une allée et d’un tertre piqueté d’un chemin de croix aux stations jaunes se dresse le sanctuaire. On pardonnera ici certains termes probablement inappropriés mais mes connaissances théologiques sont celles d’une indécrottable païenne même si les églises m’intéressent pour leurs richesses culturelles et parfois leurs mystères.


Ici la légende veut qu’il y a longtemps de cela, une fillette sourde-muette cherchait du bois dans la forêt en compagnie de sa mère. Découvrant une chapelle enfouie sous le lierre et apercevant une image de la Madone tenant l’enfant Jésus dans ses bras, la petite fille débroussailla l’endroit afin de ramener la sainte femme à la lumière du soleil. La Madone la remercia en lui rendant parole et ouïe et une nouvelle église a été bâtie sur la première pour laquelle de fastueux décors baroques furent commandés.


Historiquement, il s’avère que l’édifice datant du XVIIe siècle a été bâti sur une petite chapelle de 1515. L’autel présente une fresque avec l’image de la Sainte-Vierge de même année que la première construction. La voûte de la coupole est ornée de stucs. Des fresques de différentes périodes et maîtres d’oeuvres décorent encore cet intérieur que nous n’avons malheureusement pas pu admirer car il est actuellement en réfection (et en recherche de fonds…) Les panneaux illustrant les quatorze stations du chemin de croix ne sont mis que lors d’occasions particulières. L'une d'elles est la Fête de la Sainte-Vierge qui a lieu le deuxième dimanche de septembre. Ce jour-ci, la statue dorée quitte le sanctuaire pour s'aérer lors d'une procession dans la forêt.


Hermann Hesse, écrivain allemand amoureux du Tessin, venait se promener ici et j’aime la façon dont il évoque cet endroit: «Derrière les arbres, la lumière du ciel est éblouissante, l'ouest lointain et lumineux brille de tous ses feux et je m'arrête ici avec une profonde respiration.


L'ancienne église de la Madone dort, seule, dans le bois silencieux.»





En s'écartant du chemin un peu sur la droite, on accède en quelques pas à un point de vue sur un rocher sécurisé. Une boite aux lettres fichée sur un piquet renferme aujourd'hui pour le passant curieux une bouteille de grappa vide et quelques notes sur un carnet gorgé d'humidité que je n'ai pas voulu lire, trop occupée à tenter de refermer l'installation vermoulue.


De ce promontoire, la vue est enfin dégagée. A notre droite s'élève le San Salvatore, nous sommes en face de la Collina d'Oro et au-delà on reconnaît parmi les sommets le Lema et le Mont Rose. A notre gauche on aperçoit une fraction du lac de Lugano, le Monte Caslano et Ponte Tresa. Ceci était le joli côté de la carte postale. Celui que pouvait contempler Hermann dans les années 20. Maintenant baissons notre regard sur la plaine, l'autoroute qui part sur Mendrisio et Chiasso, les travaux qui n'en finissent pas, la zone industrielle de Grancia, le bâtiment bleu de notre ami Ikea, et Jumbo, Coop, Mediamarkt, Migros, H& M, Otto's...




Bim ! Oublions quelques temps encore ces bas concepts matériels (de toute façon c'est fermé. Quoi que...) et revenons dans notre forêt enchantée loin de tout. Car il s'agit maintenant de continuer à suivre le chemin en direction de Torello, indiqué à 20 minutes de la Madonna d'Ongero.


Une légère pente dans les bois nous amène au lieu dit. Alors, la forêt s'ouvre momentanément sur une prairie où accroché au vallon se trouve le hameau de Torello. Quelques modestes maisons de pierre saumonée et une petite église, Santa Maria di Assunta, construite en 1217 sous l'égide de l'évêque de Côme avec un monastère attenant. Depuis très longtemps cependant, celui-ci est devenu privé et l'église est fermée. On peut apparemment en demander la clé à une dame à Carona, mais pour cela il faut y penser avant!


Le matériau utilisé pour bâtir l'église et ses dépendances est du porphyre rose alpin, pierre caractéristique de la région luganaise. Et la construction du complexe de Torello représente l'un des plus anciens exemples encore visibles de l'utilisation de cette pierre en architecture.



Assis dans un pré blanc et scintillant, nous profitons quelques instants du soleil, enfin, car il faut préciser que ce versant est peu exposé et que nous sommes un matin d'hiver. En contre-bas, deux chevaux nous surveillent du coin de l'oeil et plus loin nous plongeons vers Ponte Tresa Lavena et le lac qui se resserre vers le Monte Caslano. Derrière les murs de Torello, un bipède et une voiture enneigée me font penser que les habitants doivent avoir quelques réserves de pâtes et de PQ. L'accès ne peut se faire que par le chemin que nous venons d'emprunter.


Nous revenons sur nos pas en retournant dans l'ombre de la forêt et constatons sous la glace et la neige que le chemin est également parsemé de porphyre rose, même si ce n'est pas tout à fait le terme que nous avons utilisé sur le moment.


A noter que cette promenade est une fraction du Sentier des six églises qui part du San Salvatore pour arriver à Torello et qu'il est certainement conseillé d'effectuer à une autre saison.


Afin de retrouver le soleil et plonger dans un autre bras du lac de Lugano, nous nous dirigeons vers le Parco San Grato, jardin botanique dans lequel on peut emprunter divers sentiers thématiques (mais pas très facilement en cas de neige, seul le parcours principal est praticable) et d'où l'on a une vue impressionnante sur le lac, le San Salvatore et Carona accrochée à ses flancs ou encore la digue de Melide.




Il est possible d'effectuer une boucle qui passe par les deux églises, le Parco San Grato et l'Alpe Vicania. Je me réjouis donc du dégel pour m'y aventurer et qui sait, le restaurant d'alpage en cours d'étape aura peut-être pu réouvrir.

Parfois j'en demande beaucoup et je suis d'une naïveté !



Références:

Con Hermann Hesse attraverso il Ticino, Regina Bucher, Armando Dado editore 2013


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