top of page
  • Photo du rédacteurKarin

Tournée des sana

D’aucuns pourraient penser qu’on a vraiment des activités bizarres. Pour l’unique journée que nous avons pu consacrer à nos locataires du moment, deux jeunes adultes qui ne nous sont pas tout à fait étrangers, pas de promenade à Lugano, pas d’excursion au Val Verzasca, mais deux urbex sur une journée. Et ils étaient enchantés. Enfin, je crois. Afin de faciliter l’exercice d’écriture, on les appellera Quick et Flupke. Y a pas de raison, nous nous nommons bien Gilles et Josiane.

Pour notre première destination, nous nous aventurons sur un axe déjà très chargé en adrénaline, l’autoroute en direction du tunnel du Gothard. Nous devrions pouvoir sortir du bourbier avant que cela ne se gâte. En effet, certaines journées d’été, le canton du Tessin n’est plus qu’un immense bouchon routier. Ceci en partie « grâce » au tunnel du Gothard et pour peu que des conditions météorologiques extrêmes s'en mêlent. L’axe nord-sud, toujours problématique et surchargé, continuellement en travaux, est alors saturé en plus des poids lourds par les caravanes, les camping-cars et les voitures de tous ceux qui ne font que traverser le pays pour se rendre au sud et encombrent le Tessin sans s’y arrêter, ne lui laissant que leurs nuisances carbones. Tout cela pour la modique somme de 40 balles de vignette autoroutière et toute l’année même, s’ils ont des heures supp à récupérer. Ils auraient tort de se priver. C'était le coup du gueule du billet, je vous rassure, je lâche mon os et reviens au sujet.


L’urbex, rappelons-le, est une pratique interdite. L'une des règles de la branche est que l’on ne doit pas révéler les coordonnées du « spot » si bien que je vais tenter d’éviter mais comme je l’ai déjà dit, les deux lieux (re)présentés ici sont tombés depuis longtemps dans le domaine public. Pour ne pas me répéter également, vous trouverez plus d’informations sur les sanatoriums ainsi que l’historique et d’autres précisions sur l’édifice de notre première visite dans le billet Urbex.




Au mois d’avril, Gilles et moi n’étions donc pas entrés dans le bâtiment. Depuis, nous avions appris dans la presse que le lieu allait être sécurisé pour éviter des dégradations supplémentaires et les visites de guignols dans notre style ou d’autres plus atteints encore. Flupke, aficionado de Google, nous informe en rigolant que le sanatorium est «actuellement fermé « . Si bien que nous ne savions pas trop à quoi nous attendre avant d’arriver mais la grille rafistolée pour barrer un chemin de terre, aisément franchissable à gauche, voire à droite, nous a bien fait sourire.


Au printemps dernier, le bâtiment était encore entouré de neige et la végétation était forcément différente. Mise à part cela, peu de choses semblent avoir changé. Quelques fenêtres murées en plus, peut-être, et la disparition du pauvre docteur Allegrina sur la plaque commémorative. L’accueil de l’entrée est toujours aussi explicite. Et la triste décadence d’un bâtiment qui fut certainement magnifique est autant exprimée dans cette porte principale que dans tout ce que nous allons bientôt voir.




Avril 2021 - Août 2021



Trois intrus de plus de 180 cm mais qui paraissent tout petits.


L’accès dans le bâtiment est plus qu’évidente par contre il me plait moyennement de commencer cette intrusion par les sous-sols. Compréhensifs, mes compagnons acceptent de monter d'abord dans les étages. Comme il faut s'y attendre, les pièces sont terriblement dégradées et rien ne semble avoir été épargné, à part la plaque des bienfaiteurs accrochée dans l'entrée. La majorité des phrases philosophiques écrites sur les murs est en allemand, une fois encore, je pense qu'on le doit au tunnel du Gothard. 😅 Juste avant de monter au premier étage, je vous offre un cours express de street art en me mettant au niveau de certains de mes anciens élèves en dessin.







Au premier, le décor est semblable. Nous marchons sur les gravats et il est évident que nous contrôlons sols, plafonds et escaliers avant de nous aventurer dans certains endroits. Un couloir interminable s'ouvre devant nous, c'est là que nous percevons l'immensité de cet édifice plongé dans la pénombre et le silence, hormis le bruit d'une cheneau démantibulée qui claque sur la façade. Quick est attiré par les mécanismes d'ascenseur et les panneaux électriques, Flupke tente de comprendre les messages subliminaux laissés sur les murs. Nous arrivons au bout du couloir dans une pièce impressionnante percée de grandes fenêtres rondes qui laissent apparaître les montagnes et les sapins. J'essaie d'imaginer comment pouvait être cette salle au début du siècle dernier mais la paille et les détritus qui jonchent le sol, les restes de feux de camps allumés çà et là rendent l'évocation difficile.




Un paquebot dans les Alpes


Nous quittons cette salle hallucinante pour traverser à nouveau le couloir qui fait alors un coude. Sur l'autre flanc du bâtiment, on se retrouve soudain à l'extérieur sur une longue terrasse couverte où l'on devait venir prendre l'air allongé face aux sommets. En ce qui concerne l'aspect naturel des choses, la végétation a maintenant repris ses droits, la vue est inexistante et un bassin rond est l'unique survivant de ce qui devait être un beau jardin. Quick, qui s'est aventuré dans le lieu avant nous, revient sur ses pas en se bidonnant.

- J'y crois pas, ils ont fait un skatepark!

En effet, quelques barres de slides ont été ramenées là et une rampe a été grossièrement effectuée en ciment entre deux marches. Flupke se remet à imaginer l'état des clients, quant à moi je me demande si c'est ce qu'ils prennent qui leur fait faire des collections, comme nous le constaterons également plus loin. Au milieu du mur, une porte s'ouvre sur la forêt et je trouve ça magique et sinistre à la fois. Nous avons perdu Quick qui cherche à monter sur le toit mais c'est normal, c'est un fils de grimpeur.






Porte sur la forêt


Ayant remis la main sur notre comparse, nous montons encore d'un étage pour voir une deuxième terrasse similaire à la première et rentrons à nouveau dans le bâtiment pour découvrir un nouvel étage tout aussi décati et où les psychoses les plus diverses semblent s'être exprimées.



Les combles, magnifiques, semblent heureusement n'avoir intéressé pas grand monde, trop haut peut-être. Quick découvre avec délectation la machinerie de l'ascenseur et plein de tuyaux bizarres. Puis nos deux loustics tentent une sortie par les toits et je commence à croire qu'ils auraient fait plein d'autres trucs si Gilles et moi n'avions pas été là.




Nous retournons dans les sous-sol. Certains veulent retrouver la sortie, d'autres veulent encore chercher la crypte (pourquoi j'ai dit ça?) C'est le moment où Flupke peut se servir sa lampe frontale et j'en suis fort aise. Dans la salle plongée dans le noir où nous nous trouvons, un pentacle géant prend forme sur le sol en tomettes. Quick trouve la chaudière et tente d'ouvrir une trappe. J'y crois pas, s'il y était parvenu, il aurait été capable de s'enfiler dans la conduite! Les deux jeunes finissent par aviser une ouverture dans la roche et s'y engouffrent, sans moi, mais si je suis sage j'aurai peut-être droit à leurs images. Nous les attendons dehors. Et continuons à les y attendre alors qu'ils reviennent bredouilles et tentent de nouvelles recherches parmi les rochers bordant l'édifice.





Une nouvelle fois, nous ne nous aventurerons pas dans la maison du directeur, freiné peut-être par ces balançoires relativement neuves dans le jardin en friche et par le panneau rouge "Casa occupata". Pourtant, comme dans le bâtiment principal, rien ne semble bouger. Plus loin, la buanderie est également ouverte à tous vents, pourtant, est-ce la faim ou sommes-nous déjà blasés, nous ne la découvrirons pas en entier. Entre temps, Flupke a déniché une vidéo sur YouTube, ça se trouve que c'est un vague pote qui lui écrit un peu tard que la crypte, il ne l'a jamais trouvée non plus mais qu'il sait comment rétablir l'eau et l'électricité dans la maison du directeur. De plus, il répond sans le vouloir à ma question. Le piano que l'on voit au fond d'une pièce fonctionne encore.




Nous avons déjà quitté les lieux mais je soupçonne nos deux acolytes de vouloir y revenir avec différents outils et équipements. Nous mangeons une pizza qui ne casse pas des briques à Ambrì, un endroit qui ne casse pas des briques non plus. Mais c'est pas de leur faute, d'autant plus qu'ils doivent être aidés maintenant avec toute la circulation qui passe au milieu du bled afin d'éviter le fameux tunnel et ses bouchons. Si vous me lisez, ce n'est à priori pas pour voir les photos de ce que je bouffe. Ça tombe bien puisque nous avons décidé au café de faire un détour par un deuxième sanatorium abandonné, ça ne fait qu'un petit crochet sur le chemin du retour. 😂


Nous passons donc d'un édifice du début du XXème siècle abandonné dans les années 60 à un autre construit dans les années 30 et laissé en friche depuis trente ans. Pour ce dernier, un sanatorium destiné aux enfants et adolescents, vous trouverez toutes les informations (utiles) sur le post Don't forget to remember.


L'accès à ce lieu est moins évident que pour l'autre. Nous nous engageons dans un tunnel de végétation où juste avant la grille, nous croisons une demi-douzaine de petits vieux qui nous saluent en suisse allemand. Mais qu'est-ce qu'ils foutent par là, eux? Sont-ce des anciens pensionnaires, comme ceux que j'ai vus dans le reportage de la RSI qui, nostalgiques, reviennent régulièrement dans cette "fabrique de bien" tout en semblant imperméables à la décrépitude avancée de l'endroit? Dans le premier bâtiment, nous trouvons quelques présences tout aussi incongrues sous la forme de deux nénettes moyennement vêtues pour ce genre d'expédition, chacune accompagnée d'un petit chien tenu en laisse dont l'état des pattes préoccupe immédiatement Flupke. Quant à Quick, il connaît déjà le lieu, la machinerie de l'ascenseur et deux sorties sur le toit.


Est-ce justement parce que nous connaissons déjà l'endroit (c'est la troisième visite pour Gilles et moi) ou alors parce que nous fatiguons mais notre tour sera beaucoup plus succinct. Depuis la dernière fois, fin avril, je trouve que l'endroit s'est encore terriblement dégradé (pas tout seul, d'ailleurs) et que les collections étranges surgies de soirées sous acides sont particulièrement glauques. D'ailleurs Flupke reste sceptique devant un tag-graf sur la terrasse du haut où il est écrit à côté d'un rond bleu: Hole for another universe. C'est vrai qu'on se transformerait volontiers en moustique-tigre pour voir ce qui se passe la nuit par ici. Mais sinon pas.




Lorsque nous regagnons la sortie, les deux minettes et leurs chiens n'ont pas bougé leurs sandales des décombres. Elles attendaient peut-être que l'on s'en aille pour s'instagramer. Ça tombe bien, il semble, d'après les bonbonnes dorées utilisées, que la mode automne 21 soit plutôt bling-bling.





Posts récents

Voir tout
bottom of page