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Photo du rédacteurKarin

La Léventine

Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, nous partons visiter le Tessin. Déjà parce que c’est pas loin de chez nous. Et ensuite parce qu’on n’a pas encore amorti notre vignette autoroutière. L’idée étant d'effectuer quelques étapes entre Faido et Biasca afin de voir en vrai des sites que l’on aperçoit depuis les vitres (sales) de notre voiture avant ou après le tunnel du Gothard. Mais où l’on ne s’arrête jamais parce qu’on a hâte d’arriver d’un côté ou de l’autre des Alpes. Et puis, à vrai dire, vu depuis l’autoroute c’est assez moche. On passe également près de ces lieux lorsque le tunnel de base est fermé pendant plus d’une année et que l’on doit emprunter l’ancienne ligne de train. 


Nous commencerons donc le plus au nord à Faido. Dans ce village de moins de 3’000 habitants à l’année, chef lieu de la Léventine depuis le Moyen-Âge, il n’y a malheureusement pas grand chose à voir, à part des bâtiments d’époques différentes qui se dispersent en notes hétéroclites tout au long de la rue principale: mazots, villas art déco, maisons de village aux toits en pierres plates que personne apparemment n’a les moyens de restaurer. Et puis, non loin du « spot », une jolie place de jeu devant un petit château. Celui-ci a été construit en 1907 comme stand de tir. Il est doté de deux entrées afin que les deux sociétés de tir locales ne se mélangent pas. Ambiance. Aujourd’hui, non seulement mes photographies sont gâtées par le contre-jour mais je peste du fait qu’on ait cru bon de placarder des panneaux laids sur le bâtiment. Parce que ramasser ses déchets et empêcher de faire chier son chien n’importe où c’est bien, mais respecter les monuments historiques c’est bien aussi. Je trouve.



LE site de Faido sur les réseaux, c’est la cascade Piumogna. Comme je suis moyennement preneuse des lieux instagramables et de tous les désagréments que cela engendre, je préfère aller voir moi-même hors saison. C’est vrai que c’est beau. Je n’ose pas imaginer en été. On ne doit plus voir l'eau. La chute fait 43 mètres. Une légende raconte qu'un groupe de nains qui habitaient la vallée harcelait les habitants. Saint Charles les fit disparaitre en les noyant dans la Piumogna.

Nous sommes à la cascade basse, où se trouve également une ancienne scierie. La région était économiquement très active. On y trouve encore quelques mûriers, arbres dont on récoltait les feuilles pour nourrir les vers à soie, le Tessin étant un grand producteur du tissu qui s'exportait jusqu'à Milan. On y verra aussi des noyers et des marteaux-pilons afin de confectionner le nocino.

Si l’on continue à monter, on arrive en une dizaine de minutes à la cascade haute et ce qu’il reste d’une petite centrale électrique. Il s'agissait de la première centrale du Tessin car le bourg, fin XIXe, début XXe, comme on le verra plus bas, était une destination prisée et avait de gros besoins. Ici Faido se la joue Hollywood mais les lumières se sont un peu éteintes.





Depuis la cascade haute, on peut accéder à la gare de Faido qui vaut le détour pour avoir été un haut lieu de l’hôtellerie à la fin du XIXe siècle, ce qui coïncidait avec la construction de la ligne ferroviaire du Gothard. Entre 1895 et 1914, Faido devint l’un des principaux pôles touristiques du canton. En 1913, un séjour à Faido coutait plus cher qu’un week-end à Saint-Moritz. L’activité hôtelière se développe aussi grâce à la première route carrossable et le village devient un lieu de villégiature pour la haute bourgeoisie milanaise. À cette époque-là se sont donc construits un certain nombre d’hôtels ainsi que des villas liberty qui pour la plupart aujourd’hui sont abandonnés depuis longtemps et en vente depuis la même date. L’âge d’or du tourisme à Faido s’est terminé avec le premier conflit mondial qui dès 1918 a fait préférer aux Milanais la région du Trentino récemment annexée. À quoi ça tient. Mais il suffira d’une série coréenne, et hop, les hôtels seront rachetés, les rares habitants restants péteront un boulon et on mettra un tourniquet. Pour l'heure, toutes les idées et entreprises concernant la réhabilitation de ces bâtiments semblent patiner. On a parlé d'un Bed and Brekfast ou d'un complexe de maisons de retraite. La candidature pour y accueillir le musée d'histoire naturelle a été refusée au profit de Locarno. On a trouvé que la région était trop décentrée et les travaux trop importants.




Clé dans le contact, on n’a pas que ça à faire. Direction cette église qui nous fait de l’oeil, perchée sur un éperon rocheux, entre Faido et Giornico. San Martino a Calonico, elle s’appelle. Placez-la sur votre GPS et regardez la route qu’il va vous falloir grimper. En voiture parce que comme nous vous avez une mobilité réduite. Après une bonne dizaine de virages en épingles à cheveux que l’on doute parfois de pouvoir effectuer en une seule manoeuvre, on prend vite de l’altitude. Il vaut mieux ne pas regarder en bas en se demandant si les arbres pourront retenir notre chute. Et la peur ultime est évidemment de devoir croiser. Mais la route n’est pas continuellement étroite et ma pire expérience du genre reste mon ascension à Pradecolo en Italie. 



Surtout connue pour sa position particulière, cette petite église a des origines qui remontent au XIIe siècle. Elle est joliment restaurée. Le contraste entre son blanc lumineux, les montagnes saupoudrées de neige et son petit cimetière est enchanteur tout comme son approche à travers champs. À l’arrière, on plonge sur la vallée tranchée par l’autoroute. Le bruit de la civilisation nous rattrape dans ce décor bucolique où nous n’avons croisé que des vaches. 



Envers du décor



Un dernier regard en arrière


Dix virages en épingle à cheveux plus tard, nous sommes redescendus en direction de Giornico. Ce village était également très important à l’époque pour y accueillir pèlerins, commerçants et voyageurs sur la route du Gothard. Le bourg est bordé de vignobles et séparé en deux par le fleuve Ticino au milieu duquel se trouve une petite île habitée reliée par deux ponts médiévaux. En 1478 s'y est déroulé la bataille de Giornico ou bataille des Grosses Pierres qui opposait les Uranais et le duc de Milan. 



Le village compte de nombreuses églises. Nous entrons tout d’abord dans celle de San Michele aux abords austères dont je n’ai pas du tout aimé l’intérieur.



À quelques pas à peine se trouve l’église San Nicolao qui par contre est un joyaux d’architecture romane datant de 1202. Elle s’orne de sculptures étonnantes, de style étrusques, et de fresques très anciennes. Inscrite au patrimoine national, il semblerait que l’on n’ait malheureusement plus de sou pour en éclairer l'intérieur. Y entrer fait un peu peur, jusqu’à ce que nos yeux s’habituent à la pénombre et que nos téléphones nous aident à dévoiler les trésors. 

À propos de pénombre, il est midi et le bourg, encadré par les montagnes, n’a déjà plus de soleil en ce mois de novembre.



Encore quelques mètres sur la rive droite pour voir le troisième édifice religieux, Santa Maria del Castello. Perchée sur une colline, l'église appartenait à un château détruit en 1518 par les Uranais. On y trouve des fresques d’époques diverses, les plus anciennes datant du XVe siècle. Le plafond à caissons en bois peints dans le style lombard est quant à lui de 1575. 




Revenant sur nos pas, nous nous dirigeons vers le centre, plutôt mort, mais c’est midi… Les anciennes maisons vigneronnes sont belles et les petits ponts enjambant le Ticino bucoliques.



Nos pas nous mèneront aux façades peintes de la maison Stanga qui abrite le musée de la Léventine. Ces fresques et écussons ont été réalisés autour de 1589 par les illustres voyageurs de passage dans le village. Ce qui fait un peu tache dans le paysage, c'est cette espèce de verrue en béton, apparemment maison de retraite, construit à côté de deux pauvres mazots. Que l'on voit évidemment de partout.



Nous reprenons notre véhicule pour rattraper le soleil. Momentanément. Direction Biasca. Qui est aussi plat vu de l'intérieur que depuis l'autoroute.

Il vaudra cependant la peine de s’y arrêter pour faire quelques pas sur le chemin de croix qui longe la montagne, en direction de Santa Petronilla. Sur le tracé, en haut d’antiques marches en pierres, nous entrons dans l’église Saints Pierre et Paul. Sitôt la porte ouverte, nous restons stupéfaits par la beauté sobre du lieu et par la pente, car pour aller vers l’autel il faut continuer à grimper. L’édifice est d’origine romane, il a été transformé au cours des siècles et ses fresques datent d’époques diverses. La pente du sol en pierre est frappante car la base qui soutient l’église ne compense pas entièrement le dénivelé naturel de la roche en granit sur laquelle elle est construite.



Sur les côtés de l’édifice, on dépasse un ancien cimetière et l’on s’engage sur la via Crucis, restaurée dans les années 1990.



On arrive en une quinzaine de minutes à la chapelle Santa Petronilla et surtout à son impressionnante cascade qui tombe sur la gare de Faido. 



Il est 15 heures, le soleil vient de disparaître derrière la montagne. Rideau. La ville à nos pieds et le bruit de l’autoroute sont tout à coup plus présents.



Nous entendons soudain une extraordinaire explosion et nous nous demandons si un avion a franchi le mur du son. Avant d’aviser la fumée sur la montagne en face dans la gravière. Ah, ça doit être normal. Décidément, il reste encore de beaux coins mais je n’aurai aucune envie d’habiter dans cette cuvette. Ils sont fous ces Léventins!


Quelques photos sont de mon comparse

mais j'avais la flemme de les signer.


Sources:

Et les panneaux didactiques sur le parcours

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