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  • Photo du rédacteurKarin

Tra monti e mulattiere

Si lors d'une de mes dernières balades avec Charlotte nous nous sommes prises pour des chamois, aujourd'hui nous nous sommes senties plus proches des mules.

C'est dans le Gambarogno que nous nous rendons en cette froide journée de janvier. Il fait beau mais le soleil bas ne nous accompagnera pas sur ces versants avant la moitié de la randonnée. Mes photographies ne sont donc pas terribles, aussi glacées que la température du jour.

Garées à côté de l'église de Caviano, nous commençons par traverser un joli village bien entretenu et encore très endormi. Des artistes locaux ont disséminé des cailloux peints dans tous les coins et certains habitants semblent être amateurs d'installations improbables.


Les témoins religieux et les Sainte-Vierge ne vont pas nous quitter de toute la promenade. Très vite, la côte se précise et nous progressons dans la forêt sur un chemin muletier assez physique, entrecoupé de deux chapelles. Quelques trouées dans les arbres nous permettent d'apercevoir le lac Majeur et l'île de Brissago qui nous fait face.


Un dernier virage, une dernière chapelle et les arbres s'écartent pour laisser place à un alpage. Nous arrivons au pied des Monti di Caviano, un hameau de montagne en pierres qu'aucune route ne dessert mais où le matériel est amené à l'aide d'un câble. Nous traversons le village, forcément désert en cette saison. Beaucoup de maisons sont restaurées, d'autres sur le point de l'être et au centre du hameau se dresse un curieux toit de chaume.

L'utilisation de la paille pour couvrir les bâtiments étaient très courante dans ces régions par le passé. Le hameau des Monti di Caviano n'y faisait pas exception; il était alors appelé Cento Campi car il y avait un seul champ de seigle qui fournissait le pain aux habitants, ainsi que la couverture pour leur toit. Cependant, d'énormes incendies ont détruit ces édifices par dizaines au cours du XIXe siècle et leur construction a été progressivement interdite. La vieille tradition s'est perdue et les personnes qui connaissaient la technique devenaient de plus en plus âgées. Le destin des toits de paille dans la région semblait scellé.

Or, dès les années 70, l'association Pro Gambarogno a oeuvré pour garder trace de la tradition. Suivent des années compliquées pour trouver les artisans et les matériaux, surtout le seigle. Dès lors, les deux bâtiments que nous voyons sont le résultat si j'ai bien compris encore provisoire de ces travaux de restauration. Le premier édifice est conçu comme à l'époque, étable à plein pied et grenier pour le fourrage à l'étage, alors que le deuxième bâtiment, utilisé comme espace didactique, est encore recouvert d'un toit en tôle assez moche. Pour parer à toute carence de matière première, on cultive à nouveau du seigle dans un champ voisin.


À la sortie du hameau, la chapelle est aussi dotée d'une cloche et faisait certainement office d'église dans ce village de poche. Le dénivelé ne semble pas vouloir se calmer pour autant. Plus de mulattiera dans cette forêt de hêtres, mais un sentier bon pour les chèvres. Ça tombe bien, on en croise un plein troupeau qui s'est carapaté hors de son champ et a préféré venir boulotter du houx dans les bois en grimpant dans les arbres. Certaines, pas farouches, font mine de nous suivre.

Bientôt, nous aurons effectué le plus difficile en terme de montées et nous cheminons maintenant dans la forêt, franchissant deux rivières avant d'atteindre les Monti di Sant'Abbondio, que nous avons pu apercevoir à travers les branches. Au soleil, s'il vous plaît!



Ce nouveau hameau au milieu d'un pâturage ressemble à l'autre, en plus petit. Et si, au Monti di Caviano, on avait cru entendre une tronçonneuse et sentir l'odeur d'un feu, ici il n'y a pas âme qui vive. À part la Sainte Vierge, bien sûr.


Nous prenons maintenant le chemin muletier qui va nous permettre de perdre 500 mètres de dénivelé en 45 minutes. Raide, donc. Très raide. Et glissant à cause d'un tapis de feuilles sèches. Charlotte a eu la présence d'esprit de se munir de bâtons, nous progressons parfois en crabe et si nous le pouvons, évitons les dalles pour marcher à côté. Nous arrivons ainsi à une première chapelle décrépie puis à l'église del Lauro qui l'est tout autant, avec une ruine à ses flancs. L'intérieur vu à travers un grillage semble cependant refait.


Nous voici désormais au sommet du chemin de croix le plus raide du Tessin et de ses quatorze chapelles que nous allons découvrir à l'envers. En 1972, les haltes de cette via Crucis avaient été repeintes par des artistes contemporains et notamment Hans Rudolf Giger, décorateur d'Alien. L'installation avait été assez vite vandalisée, je n'ai pas réussi à trouver pour quelle raison. Gratuite, sûrement. Ce n'est qu'en 2002 que les chapelles ont été restaurées avec des techniques d'incrustation sur ciment plus ou moins heureuses et originales. Entre la douzième et la onzième étape la Sainte Vierge m'a quittée puisque j'ai fini par glisser en me rattrapant violemment de la main sur un caillou pointu. Ça m'apprendra.


Alors qu'on plonge au-dessus du village de Sant'Abbondio et de son église, j'imagine que le lieu, même s'il est magnifique et que le chemin de croix a également été nettoyé et restauré, ne doit pas être fréquenté plus que cela. Il doit même être devenu trop physique pour les vandales actuels.

Huit fresques des anciennes stations de 1972 ont été restaurées. Sur les deux oeuvres de Giger, l'artiste a demandé à ce que l'une soit laissée telle quelle. Elles sont maintenant exposées sous verre sur un fronton de l'église mais comme je ne le savais alors pas, je n'ai pas d'autre photographie. Depuis l'esplanade, lorsqu'on lève les yeux, on voit d'où l'on est descendu et on se dit: ah, quand même.

Il s'agit maintenant de rejoindre le village voisin de Caviano en empruntant une ultime mulattiera et en franchissant la rivière sur un petit pont moussu surplombé par une cascade. Une dernière halte dans l'église de Caviano pour clore cette journée sainte et nous rentrons pour que j'entame ma cure d'arnica.

Il est certainement possible d'effectuer une descente moins sportive depuis les Monti di Sant'Abbondio en suivant l'autre sentier indiqué. On rate alors la Via Crucis.

En tous les cas, prenez des bâtons! Depuis le temps qu'on le dit!



Données techniques:

  • Type: boucle, intermédiaire

  • Kilomètres: 6

  • Dénivellation: environ 600 m

  • Durée: de 3 à 4 heures

Ici, je commence à douter des données SwissTopo car ni le temps, ni la dénivellation, ni les kilomètres ne correspondent à mes propres données...







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