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Sentiero del Silenzio

  • Photo du rédacteur: Karin
    Karin
  • il y a 13 minutes
  • 4 min de lecture

Trois heures de marche, et un programme qui ressemble à une chasse au trésor improbable : des carrières, un banc géant rouge vif, un monument dédié aux persécutés de la guerre, des animaux peints sur des cailloux et un dinosaure. 


Alors oui, ça part dans tous les sens et la première difficulté consiste à trouver le départ du sentier. L’aventure commence à Viggiù, village des sculpteurs et des pompiers, dont j’ai déjà parlé dans le billet « Viggiù et le cimetière oublié ». Inutile de brouiller les pistes davantage.



Dans les hauteurs du bourg, nous empruntons le Sentier du Silence, tracé en mémoire de ceux qui, pendant le Seconde Guerre mondiale, ont dû franchir la frontière italo-suisse pour échapper aux persécutions nazies et fascistes. Le chemin plonge vite dans la forêt et grimpe sec. Je minimise mes souffrances; me battre contre mon souffle qui me trahit et une horde de taons attirés par notre transpiration est dérisoire. Si l’on pense à ceux qui ont dû passer ici de nuit, avec leurs pauvres valises, dans la crainte de croiser une ronde, de se faire berner par des passeurs ou d’être refoulés à la frontière. 

Le parcours est jalonné de bornes avec un QR code renvoyant à un témoignage audio lu par un acteur. J’ai préféré écouter ces dix histoires la veille. De plus, la plupart des autocollants ont disparu et cette première partie de tracé est moyennement entretenue.



En milieu de parcours, nous effectuons une pause dans ce pan de l’Histoire pour en découvrir un autre : une ancienne carrière, la Brusata. Il existait de nombreuses carrières dans la région, d’où l’on extrayait la pierre de Saltrio, un calcaire gris cendré. Exploitées depuis l’époque romaine, elles ont produit les matériaux pour construire quelques imposants monuments italiens et tessinois : la Chartreuse de Pavie, le Môle de Turin, les colonnes du Dôme de Milan, la façade de la Cathédrale San Lorenzo de Lugano pour ne citer que les plus connus. Abandonnée comme beaucoup d’autres carrières au siècle dernier, la Brusata a été récupérée par les Amis du Monte Orsa. L’endroit est joliment aménagé. On peut y voir de vieux outils, un ancien treuil, l’abri des carriers et lire la recette de la soupe lentille-farro-lard qui leur était servie. Devant l’une des entrées, en hauteur, se tient une silhouette bleue-violette. Photographie grandeur nature du dernier travailleur de la carrière, c’est une présence fantomatique et saisissante. 


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Depuis ce balcon, la vue se dégage sur la plaine lombarde et la grande carrière de Saltrio, encore en activité. Mais nous sommes surtout au pied du Monte San Giorgio, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO pour sa richesse de témoignages paléontologiques. C’est ici qu’en 1996 fut découvert le squelette du Saltriovenator, le plus vieux grand carnivore du Jurassique inférieur. La place de pique-nique se complète alors, en plus de l’inévitable installation religieuse, d’une effigie de dinosaure et son panneau explicatif. Quant au Sentier du Silence, il côtoie maintenant un parcours nature ponctué de peintures sur pierre.


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Le chemin se fait ensuite plus tortueux, serpentant entre roches et jeunes arbres jusqu’à un premier espace zen au sommet de la grande carrière. Puis vient la star locale: le Big Bench de Saltrio tourné vers la plaine.On peut apercevoir les gratte-ciel de Milan et un petit bout du lac de Côme.



Dans un tout autre style, à peine en dessous, se trouve la fin du Sentier du Silence et son mémorial. Un haut grillage orné de fils barbelés et de clochettes, similaire à celui qui courait le long de la frontière, située à quelques mètres. Une valise éventrée, comme celles que les fugitifs perdaient ou que quelque passeur inhumain jetait dans la carrière en disant: « Voilà, vous êtes arrivés, maintenant débrouillez-vous. » Au milieu du cercle, des dizaines de pas qui se précipitent vers cette sortie, où un douanier helvète leur dira peut-être, déjà à l’époque: « La Suisse est un tout petit pays, on ne peut pas tous vous accueillir. »



La descente sur Saltrio est raide et glissante, longeant la carrière. En bas, sur une placette, nous tombons sur le musée à ciel ouvert MAMO (Museo all’aperto del Monte Orsa) un concentré de tout ce mélange des genres: les pierres de la carrière et les outils, la faune de la région en terre cuite, le Saltriosaure grandeur nature, les Juifs fuyant l’Italie et même la Linea Cadorna, installations défensives construites avant la Première Guerre mondiale et dont les montagnes environnantes regorgent.



Un peu à court d’énergie, nous avons zappé le centre historique de Saltrio. Ce que nous avons vu de ce dernier village italien avant la frontière n’était pas folichon. Des bâtiments de bric et de broc et des commerces fermés aux devantures poussiéreuses datant des années 70. Nous faisons une pause sur la terrasse du Nuovo Impero qui n’a plus grand chose de nouveau. Malgré tous les efforts de mise en valeur didactique, le village semble peu profiter de retombées.



Il nous faut maintenant rejoindre Viggiù, limitrophe, en essayant d’éviter la grand route. De quoi tomber sur quelques villas d’époque cossues avant d’arpenter les rues de cette petite bourgade qui, elle, ne manque pas d’intérêt et d’un charme un peu passé.



Pour conclure ce billet, voici la photo d’une pauvre habitante du lieu, juste avant qu’elle ne se fasse dévorer par Hector, le Saltriovenator.


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8 mètres de long, 1 tonne.

Quand même.

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