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Le Val Vigezzo et les ramoneurs

Photo du rédacteur: KarinKarin

Je garde de la route des Centovalli un très lointain souvenir d’enfance nauséeux. Ce tracé étroit et sinueux nous mène de la région de Locarno à la frontière italienne en une quinzaine de minutes qui semblent interminables. Avisant les rochers d’un côté, le précipice de l’autre, nous ne croisons heureusement que peu de voitures en ce dimanche matin de début février. Une fois passé le poste de douane désert, l’état de la chaussée montre à lui seul que nous avons changé de pays. En bord de route, des auberges décaties avec des panneaux à vendre datant du siècle dernier témoignent d’un temps révolu.



Encore quelques kilomètres et nous arrivons dans le village de Re où, après un virage de plus, s’élève un monumental sanctuaire improbable dans cette région perdue. L’édifice se compose de deux constructions communicantes mais d’époques différentes: un premier sanctuaire bâti au début du XVIIe siècle et la basilique plus récente. Sur l’autel central de l’ancienne église se trouve une fresque du XVe qui justifie l’histoire et le nom du lieu: Santuario della Madonna del Sangue, soit la Vierge de Sang. 



Le soir du 29 avril 1494 (j’ignore à quelle heure) la fresque, située alors à l’extérieur de l’édifice religieux de l’époque, fut frappée à la tête par un caillou lancé de rage par un homme furieux d’avoir perdu à la piodella. Le jeu consiste à viser avec une pierre aplatie une pièce de monnaie posée sur un cylindre en bois. De la blessure jaillit le sang miraculeux qui coula abondamment pendant une vingtaine de jours. De nombreux malades et infirmes furent guéris grâce à des miracles attestés par les autorités religieuses et civiles de l’époque. Colportée à travers toute l’Europe, que ce soit par les évêques ou les voyageurs, l’histoire de la Vierge de Sang fit des émules. Des sanctuaires en son nom furent construits en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Au début du XXe siècle, le lieu ne permettait plus d’accueillir les pèlerins et la construction du nouvel édifice commença en 1922, fut interrompue par la Deuxième Guerre mondiale et se termina en 1958. 

Nous devrons jongler entre les diverses messes de ce dimanche pour pouvoir visiter l’intérieur, beaucoup moins impressionnant que ce que l’extérieur laisse présager, hormis son architecture bien sûr. Et ces prières en formes d’objets baptismaux, bavettes, photos, peluches qui forment un étonnant tableau en 3D bleu et rose. 



Quant à l'arc-en-ciel, les vitraux s'en chargent.




Nous reprenons la route pour quelques kilomètres désormais moins accidentés et débouchons sur une plaine ensoleillée bordée de sommets enneigés. Nous sommes dans le Valle Vigezzo, à moins de 900 mètres d’altitude, ce qui est plutôt étonnant après tous ces virages. Nous découvrons le beau village de Santa Maria Maggiore, chef-lieu de cette région de peintres et de ramoneurs. Beaucoup de façades arborent des fresques et des décorations. Les toits en pierre s'ornent çà et là d'une silhouette portant échelle et hérisson. Les cheminées sont bien sûr nombreuses, chacune essayant d’être plus haute que celle du voisin. 



A côté de l’église se trouve le musée des ramoneurs, racontant l’histoire de ces petits émigrés venus travailler dans la suie des villages de montagne. Des adultes mais surtout des enfants, dont beaucoup de Tessinois notamment. Prisés pour leur petite taille qui permettait de passer facilement dans les conduits, ces très jeunes gens étaient souvent exploités par les riches bourgeois qui les employaient, logés dans des conditions épouvantables et exposés au danger. Beaucoup en sont morts. Chaque année au mois de septembre se déroule à Santa Maria Maggiore le Rassemblement International des Ramoneurs et le musée contient également des cadeaux de ces spazzacamini du monde entier. 

Par manque de temps et de préparation en amont, je décide de ne pas visiter le musée.

-On n’a pas de temps. Bon, on y va!

Je regrette maintenant de n’avoir pas fait le détour en découvrant leur site et une histoire qui me parle.

J’ai dû lire un récit au collège mais ne parvient pas à le remonter des limbes de mon adolescence.

C’était pourtant après les hauts-le-coeur dans les Centovalli.



Un peu de couleurs dans ce monde de brutes. Il suffit d’arpenter les ruelles de cette bourgade très bien entretenue pour qu’à chaque détour notre oeil soit attiré par une nouvelle originalité architecturale. Dans les vitrines des échoppes s’égarent encore quelques lutins, souvenir de l’un des marchés de Noël les plus prisés du Piémont qui a lieu autour du congé de l’Immaculée Conception. On peut également trouver à Santa Maria le musée de l’Ecole des Beaux-Arts .

Que nous n’avons pas visité non plus.

J’ai un peu honte.

Quand même.

Ainsi que la maison des parfums. En effet, l’inventeur de l’eau de Cologne était originaire de Crana, fraction de Santa Maria Maggiore. Comme il avait émigré à Cologne en Allemagne, l’eau de Cologne de s’est pas appelée eau de Crana. Ça vaut mieux, peut-être.



Sur via Milano, en sortant du vieux bourg, on découvrira quelques villas de maîtres. La région étant un lieu de villégiature prisé par de riches Italiens, spécialement Milanais, ainsi que des Français et des Suisses.

Même si quelques échoppes et hôtels semblent avoir accusé le coup et fermé depuis longtemps, Santa Maria Maggiore et sa région restent encore une importante destination sportive et culturelle, à toutes saisons et avec les infrastructures adéquates.

Même si la route...

Peut-être que depuis Domodossola, c’est plus doux.



Nous reprenons notre véhicule pour revenir un peu en arrière et effectuer une boucle à pieds qui partant de Prestinone nous fera découvrir d’autres villages de la vallée. Après avoir suivi la route sur quelques centaines de mètres, une mulatiera pavée nous mène sous le cimetière de Craveggia que nous ne pourrons nous empêcher de visiter, attirés par l’architecture typique des mausolées qui reprennent les toits en pierre. Mais n’ont pas de cheminée! Moins drôle sera le cimetière des enfants.






Puis nous débouchons sur l’église Saint-Jean et Saint-Christophe, son baptistère et une jolie place malheureusement envahie de voitures. L’intérieur de l’édifice est clinquant, nous ne nous attendions pas à cela dans un village de montagne. Cela s’explique par le fait que les émigrés de Craveggia devenus riches ont effectué de multiples donations. 

Ici également nous avons raté quelque chose. LE trésor. Qui contient entre autres le manteau funéraire de Louis XIV et celui du mariage de Marie-Antoinette, encore revêtu par le curé de Craveggia lors de cérémonies exceptionnelles. Giuseppe Maria Borgnis, l’un des plus grands peintres de la région, a réalisé les fresques dédiées à Saints Jean et Christophe, protecteurs des pèlerins et des voyageurs chers à la région. 



À l'heure actuelle Saint-Gothard reste une valeur sûre.
À l'heure actuelle Saint-Gothard reste une valeur sûre.

De manière générale, même si quelques maisons sont à vendre, si possible à des bricoleurs, la localité est bien entretenue et nous pourrons encore admirer des fresques, de belles demeures et des architectures hétéroclites. Ici la villa cossue côtoie la bâtisse du peuple.




Une petite pause
Une petite pause

En crapahutant comme les chèvres qui ont donné le nom au bled, nous rejoignons la route qui surplombe les multiples cheminées. 



En quelques pas, nous atteignons la fraction de Vocogne qui se détache sur un fond d’Alpes enneigées. Une autre église, son cimetière et nous redescendons maintenant sur Prestinone en passant sous les télécabines qui mènent à la Piana di Vigezzo d’où l’on peut faire du ski, du parapente et profiter de la vue. 



Ce petit village de Prestinone ne manque pas d’intérêt lui-aussi mais l’activité principale semble s’être concentrée autour du départ de la funivia. Avant cela nous ne croiserons que des chats. Et si l’on en croit ce qui reste de sa maison des artistes, il y a eu d’autres priorités. 




Malgré cette journée chargée, nous n’avons découvert qu’une petite partie de cette intéressante région. Il ne nous restera plus qu’à y revenir. 


Mais je passerai à la pharmacie avant d’affronter à nouveau les Centovalli.



Spéciale dédicace à Gilda:

Sur le PDF ci-dessous se trouvent le plan de la promenade et quelques informations supplémentaires. Si tu le télécharges, il ne se passera rien de grave. Tu peux ensuite l'imprimer, même en noir et blanc, et le prendre avec toi pour faire la balade.



Sources et liens utiles:



1 comentario


Gine Proz
Gine Proz
07 feb

J''ai passé plusieurs fois par les Centovalli pour me rendre de la Suisse à Como. J'en garde une souvenir ébloui, de villages de montagne anciens, avec beaucoup de charme dans leur simplicité. C'était pour moi le début de l'été, il y faisait si doux! A l'époque, la photographie était hors de portée, mais je retrouve dans tes images des souvenirs vivaces. Il est temps pour moi d'y retourner! Merci de cette piqûre de rappel!

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