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Photo du rédacteurKarin

Villa Arconati

Nous n’avions pas prévu la visite de cette villa sur notre feuille de route mais son apparition soudaine dans un paysage du nord de Milan plutôt moche et dévasté a quelque chose de surréaliste. Au détour d’un énième rond-point, à proximité d’une banlieue terne et d’usines délaissées se dresse un monumental portail surmonté de lions. Une allée bordée de charmes blancs s’étire alors jusqu’à l’impressionnant édifice. 


Située dans la zone protégée du parc Groane où survivent les dernières landes de la région milanaise, la propriété s’étend sur 12 hectares. Elle est aussi populairement appelée Castellazzo, comme le complexe rural sur lequel elle s’est peu à peu étendue. Les origines du bourg remontent au Moyen Âge mais c’est au milieu du XVIe siècle que le lieu devient « noble » avec son acquisition par un marquis, Guido Cusani, qui va y faire construire les bases de la villa. 


En 1610, la propriété passe aux mains du conte Galeazzo Arconati, seigneur féodal et grand collectionneur d’art. Il a l’idée d’y bâtir sa « villa des délices », une résidence destinée aux plaisirs et aux loisirs pendant l’été et la saison de la chasse. Féru d’architecture, il veut que son palais se calque sur les grandes villas romaines et florentines en intégrant espaces verts et édifices. Il fut l’un des premiers à comprendre le Codex Atlantique de Leonard de Vinci dont il avait fait l’acquisition et qui servit à la réalisation des jeux d’eaux de ses jardins à l’italienne.


A sa mort, trois générations d’Arconati se sont succédées et ont poursuivi le projet de leur ancêtre en amenant plusieurs améliorations et constructions à l’édifice. Celui-ci fut considéré comme terminé vers la moitié du XVIIIe siècle sous l’égide du Conte Giuseppe Antonio Arconati qui en y faisant ajouter fresques, stucs et trompe-l’oeil réalise un bijou du baroque lombard. La résidence était d’une telle beauté que les guides touristiques de l’époque la nommait la Petite Versailles. 



Le dernier des Arconati meurt sans héritier en 1772. Castellazzo passe alors aux mains de cousins éloignés, les Marchesi Busca qui en prirent soin pendant un siècle, ainsi que du bourg attenant qui comptait quelque 800 âmes. 

Dans les années 1900, la propriété est gérée par trois générations de femmes, les Crivelli, héritières indirectes des Busca. Surmontant les deux guerres mondiales, elles ont mené le domaine avec des moyens de plus en plus réduits. En 1994, à la mort de Donna Beatrice Crivelli, la villa et les jardins ont été laissés à l’abandon. 


En 2011, la Fondation Augusto Rancilio, du nom d’un architecte soucieux de la sauvegarde du patrimoine, commence un projet de restauration et de revalorisation du lieu. Celui-ci n’est pas encore terminé, en témoignent des échafaudages sur l’une des ailes et les travaux dans les jardins. Mais comme le montre une galerie-photos dans l'une des pièces de la villa, le travail déjà accompli est assez remarquable.


En commençant notre visite par les jardins, nos découvertes se feront crescendo. Les extérieurs sont certainement plus beaux au coeur du printemps ou en été. Nous déambulons vers le théâtre de Diane, dédié à la princesse de la chasse, le terme théâtre se rapportant ici à un arrangement de sculptures, jeux d'eaux et éléments de maçonnerie.



Un peu plus loin se trouve le théâtre d’Andromède où la sculpture représentant la terre mère servait aux hôtes d’autres siècles du vin qui sortait de ses seins. 

On entre alors dans l’orangeraie qui est restaurée avec un peu trop de ciment et de métal à mon goût. D’après les ruines entrevues derrière, il n’était peut-être pas possible de la récupérer mieux que cela. La Tour de l’Eau contenait les mécanismes pour le fonctionnement des jeux des fontaines et des statues. On trouvera encore une glacière de 9 mètres de profondeur qui, remplie de glace et de neige, permettait de conserver les aliments et de servir des granités au citron à ceux qui ne buvaient pas de vin.



Le parterre des ballerines fut l’un des derniers lieux extérieurs réalisés. Il respecte le goût à la française de créer de grands espaces ouverts où le regard peut se perdre au loin. Les topiaires qui bordent les parterres de fleurs sont taillés en forme de ballerines classiques.  



C’est certainement la bouche grande ouverte que nous effectuons nos premiers pas à l’intérieur de la villa. Le décor en mobilier est très sobre, voire inexistant, mais cela n’en fait que ressortir un peu plus le faste des peintures, trompe-l’oeil et plafonds peints. 



Au bout d’une enfilade de pièces on arrive dans ce qui était la salle de musée des Arconati, lieu où ils exposaient leurs copies en plâtre des plus célèbres sculptures romaines. Dans une alcôve faite sur mesure nous surplombe une statue de 3 mètres. Achetée à Rome, elle a été apportée à Castellazzo en croyant qu’il s’agissait de Pompée le Grand, l’oeuvre sous laquelle aurait été poignardé Jules César. Des études récentes ont identifié la sculpture comme l’Empereur Tibère. 


Au rez on trouvera encore la bibliothèque qui contient 2’000 livres anciens sur les 3’000 de la collection originale. Ainsi qu’une pièce étonnante renfermant des bas-reliefs de la chambre funèbre de Gaston de Foix datant du début du XVIe siècle et acquis par les Arconati comme oeuvre d’art. 



Arrivés dans une cour intérieure, nous visitons une partie des écuries, le reste étant en ruines. Elles aussi construites selon l’étude de l’ »Écurie idéale » de da Vinci, elles montrent que la passion pour l’art des propriétaires allaient jusqu’à l’abreuvoir des chevaux décoré d’un Neptune. 

De ce côté-ci de la villa, nous voyons également l’envers du décor. Une façade ravagée, des fenêtres branlantes. 



L’étage ne nous décevra pas, tout comme la cage d'escalier. La salle de Phaéton voulait rendre hommage à la grandeur des Arconati avec une peinture en trompe-l’oeil réalisée par les frères Galliari, décorateurs de la Scala de Milan. 




La salle de bal avec ses 200 mètres carrés étaient la plus grande du palais. Tournée vers les sud et les élégants parterres, elle était illuminée après le coucher du soleil par trois lampadaires en cristal et des candélabres posés en face des dix miroirs qui agrandissaient encore la pièce. 



La Fondation qui s’occupe de la villa a pour but de promouvoir l’art. C’est pourquoi sont exposées à l’étage quelques toiles abstraites qui nous font mal aux yeux. Pour en avoir fait quelques-unes, je peux me permettre de dire que ce sont des croûtes et que ce mélange n'est pas d'un très bon goût.



A la fin de la visite, nous retournons dans les jardins afin d’y découvrir les lieux trop peuplés à notre arrivée. Et refermer notre bouche. 


Au fond du parc se trouve dans un état de délabrement avancé l’entrée sud. En effet, quand le projet fut terminé, la résidence était tellement grande qu’une seule entrée ne suffisait plus. On a donc construit celle-ci pour les hôtes qui arrivaient de Milan, alors que ceux venant de Varese conservaient leur entrée côté ouest. 



D'après une légende locale, la propriété aurait été construite selon le passage du temps. Elle comptait alors 12 portails et 365 fenêtres. Par contre je ne sais pas à quoi correspondent les 70 pièces du palais.


Ce sont sur ces quelques derniers chiffres impressionnants que nous quittons le site pour aussitôt replonger dans des tentatives architecturales plus contemporaines et beaucoup moins heureuses.



La villa ne se visite individuellement que le dimanche, de 11h à 19h.


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