top of page
Photo du rédacteurKarin

Home staging à l'institut

Dire qu’il a fallu que je dépasse le demi-siècle pour enjamber le grillage d’un lieu interdit à deux pas d’un poste de douane. Nous sommes, à quelques mètres près, sur sol italien. Dans la guérite, rien ne bouge. Normal, à cette heure-là, c’est le café. Non, je suis vache avec les douaniers. Parfois, à la place de faire un signe de tête que j’ai toujours du mal à interpréter entre « Ouvrez le coffre!» ou « Allez-y! » ils arrivent presque à faire une phrase cohérente. Et avec le sourire, mais c'est plus rare.

Alors, voilà. Le grillage franchi, nous sommes dans l’enceinte d’un ancien institut, dont j’ai peu de photos extérieures parce que bon, les douaniers. Et les ronces.


Schéma classique que l’on commence à connaître: construite en 1935 pour être un sanatorium pour enfants, la structure s’est rapidement transformée. Après avoir passé en mains fascistes, elle est récupérée par l’Institut National pour l’Assurance contre les maladies (c'est italien) et devient une colonie de vacances très fréquentée pour être ensuite abandonnée en 1979, victime très certainement du changement sociétal. En laissant tout en l’état, lits, médicaments et vêtements, comme si l'on allait revenir après avoir réfléchi un petit peu.

Au début, pour nous, cela se présente mal. Dans le sens que l’édifice semble correctement fermé. Je crains un moment de ne pouvoir qu'apercevoir entre les barreaux ces habits qui sèchent à la buanderie ou ce qui semble être l'église. Mais nous allons trouver une faille.


Et puis hop, comme par miracle on se retrouve de l’autre côté de la porte.

Mais commençons par visiter le sous-sol où l'on trouve les cuisines, la buanderie, l'église, ou ce qu'il en reste dans un jeu de lumières incroyables avec lesquels se sont amusés quelques graffeurs.



On y verra aussi une salle de jeu au décor revisité et un grand séjour aux dessins d'enfants étonnamment préservés, qui fut un jour entièrement muré mais qui a perdu quelques briques.



Au rez-de-chaussée, il faut avoir une certaine imagination pour y voir le réfectoire et les salles de classe. D'aucuns n'en ont pas manqué pour refaire la déco avec les moyens du bord, dont le matériel de bricolage de la colonie. Des boîtes éventrées de papier crépon et de lettres prédécoupées jonchent le sol. L'accueil est parfois cynique. Il semble y avoir comme au sous-sol une espèce d'idée fixe sur les rideaux en tous genres, qui suspendus à des pinces à linge nous ont fait croire depuis l'extérieur que l'endroit était squatté. Un petit café?


Au deuxième étage se trouvaient les principaux sanitaires et les dortoirs. Si les nombreux matelas en témoignent, une question me taraude. Qu'ont-il fait des lits en fer qui s'alignent par dizaines sur des photographies encore récentes trouvées chez mes collègues? Sur le sol, les lettres du fronton ont été piquées pour composer un gentil message.



Au deuxième étage se trouvaient d'autres dortoirs ainsi que les logements du personnel et l'infirmerie. Certaines pièces ont également subi un home staging et en entrant dans une chambre, Gilles, que je laisse toujours aller devant par politesse, a cru pendant un laps de seconde que quelqu'un dormait dans un lit. C'est cosy, comme a dit ma voisine Cécile en voyant les photos; elle cherchait une table de chevet.



J'ai lu que l'endroit est longtemps resté figé, protégé des dégradations par sa proximité avec le poste de douane. Mais il semble que les uniformes ne fassent plus peur à grand monde ces dernières années. J'ai l'impression aussi que beaucoup de ces lieux ont servi de défouloir pendant le confinement.

Nous quittons le périmètre et regagnons notre voiture garée à quelques mètres de la frontière. Dans le poste, rien ne bouge. C'est l'heure de l'apéro.


Références:

Comments


bottom of page