Je l’ai noté dans mon calendrier. Lundi 26 août. Rentrée des classes vaudoises.
De l’autre côté des Alpes, j’ai une pensée émue pour tous mes anciens collègues et amis, plus spécialement situés dans la zone nord-ouest lausannoise. Pourquoi suis-je à peu près certaine qu’il s’est bien trouvé quelqu’un, lors d’une conférence plénière, pour vous souhaiter une bonne rentrée à 360° ? LOL. Pauvres de vous, j’ai comme l’impression que nous n’avons encore rien vu.
Je vous souhaite néanmoins une belle année car l’enseignement est un métier extraordinaire. J’ai lâché prise lorsque je n’ai plus eu l’impression que j’enseignais. Et que l’on me laissait le faire. Je ne peux donc que vous admirer.
Depuis le 1er août 2019, je ne suis officiellement plus institutrice primaire à l’Etat de Vaud. Comme j’ai toujours détesté ce mot ! Je parle d’institutrice… Quant au reste, je me réjouis d’en être libérée. Il y a une année, à la même période, j’attendais vainement et finalement naïvement que mon employeur me replace dans un poste « protégé ». Est arrivé le mois de septembre. Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Afin de savoir si l’on se souvenait de moi et obtenir des éclaircissements sur ma situation, j’ai écrit une lettre de trois pages et sans gros mots. Il s’est passé un mois avant que l’on en accuse réception et un nouveau mois pour que l’on m’obtienne un rendez-vous. J’ai compris à mes dépens qu’il semblait plus facile pour certains, à la place de faire leur boulot, d’aller fouiller sur les réseaux sociaux et me reprocher quelques activités, avec des interprétations gratuites qui m’ont fait penser qu’ils auraient au moins pu prendre la peine de lire mes publications correctement.
J’ai quitté mon poste par la petite porte, après vingt-cinq ans de métier. Je suis partie sur une jolie parenthèse avec des modèles réduits de 5 ans d’âge moyen, une échappée rigolote et riche en rencontres, après deux ans douloureux et finalement chargés d’amertume où je me suis fait promener avec lenteur et brio. Car si l’on commence depuis quelques années à parler de l’épuisement des enseignants, on ne parle pas du manque de volonté de leur employeur à les aider à se réinsérer. En tout cas pas avec moi. On a seulement attendu que je démissionne. J’ai cru comprendre que je n’étais pas la seule dans cette situation; il serait alors peut-être temps que d’autres le disent aussi.
Sur une colline tessinoise, j’ai décidé de changer de vie. Dans mes cartons de déménagement, j’ai emporté un manuscrit encore pas tout à fait abouti de 130 pages illustrées par mes soins. (En vrai, il est sur mon ordi, mais ça fait moins littéraire dans le texte.)
Vingt-cinq ans d’enseignement condensés sur une centaines de feuilles A4 en anecdotes drôles ou moins drôles, entre récits et coups de gueule, parce que je ne suis pas bélier et tessinoise pour rien. Peut-être que je vais les oublier au grenier parmi d’autres objets incasables et quelques classeurs de cours que je n’ai pas pu jeter. Peut-être que je vais les finaliser et les envoyer à la mer, pour fermer une fois pour toute, mais qui sait pas tout à fait, cette porte-là.
Car l’enseignement dans son sens premier, ce métier que j’ai voulu apprendre, cette profession avec laquelle j’ai vécu de si belles années est une compétence en laquelle je ne peux imaginer renoncer définitivement. Il est aujourd’hui dommage et à mon sens dangereux que les enjeux politiques et financiers, la démagogie, les tracasseries administratives, les lois, les pressions des parents, leur pouvoir décisionnel à l’encontre de l’avis des professionnels, l’attitude de certains enfants encouragées par quelques géniteurs désagréables, les lacunes d’éducation et j’en passe noient l’enseignant dans des rôles qui ne sont pas les siens et le mènent à l’épuisement. De quoi engager des gens peu ou pas formés pour continuer à enrayer la situation.
Dans cet état d’esprit, me direz-vous, je ne peux que remercier les quelques manches qui ont géré mon dossier de m’avoir finalement aidée dans ma décision à prendre le large.
Bonne rentrée à vous tous !
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