Karin
Semaine 6 (déjà?!)
Je la trouve un peu plate, cette semaine, mais ça doit être moi.
Sur Facebook, la vague s’est vraiment calmée, même les challenges incroyables s’essoufflent. Pourtant, des idées, on pourrait encore en trouver plein, c’est facile.
J’ai accepté le défi de publier les 10 chansons de Céline Dion que j’aime, une par jour. Pas d’explication, pas de critique, juste des chansons.
Ou alors les 10 photos de repas pris au restaurant, les 10 selfies de moi que j’aime, voire les 10 plus longues séquences vidéos de mes vacances.
Ouais, c''est plat.
Pour se passer le temps avec Gilles, on a trouvé un jeu de rôle grandeur nature, ça s’appelle «On est au chalet.» La semaine dernière, on a coupé le chauffage mais gardé l’eau chaude quand même. Retour aux sources, je veux bien mais faut pas déconner. De plus, cette décision n'avait aucun lien avec des mesures d'économies, on l'a prise parce que la chaudière émettait par intermittences et surtout la nuit un bruit hyper flippant. Côté cave, comme une machine à laver qui n'arrive plus à essorer le linge tellement on a voulu tout mettre d’un coup pour être tranquille. Côté grenier, comme s’il y avait une colonie de castors en train de nous monter une étagère. Bref, du moment qu’on allait avoir du mal à trouver un chauffagiste et pour minimiser les risques, déjà qu’avec masque ou sans masque c’est compliqué, on a préféré couper. Pile au moment où la température chutait de 25°C à 5°C.
On a tout juste pas la buée qui nous sort de la bouche quand on parle. On refait du feu à la cuisine et on retarde le moment d’aller se coucher en gardant les chaussettes. On évite d’aller pisser trop souvent, enfin moi, parce que c’est froid et qu’on se pèle le jonc, que je n’ai pas. On dit: ça caille, hein? Je vais aller rechercher mes moonboots au galetas.» Aux dix heures, on se fait un p’tit Nes. La semaine prochaine, c’est fondue. On invite tous les voisins. Bon, et puis le soir, pas besoin de ressortir le Monopoly, on regarde les nouvelles, c’est pareil.
Une autre de nos occupations passionnantes et quotidiennes consiste à chercher notre téléphone ou nos lunettes, surtout Gilles. Comme tout bon cinquantenaire, nous portons des binocles loupes achetées chez Landi. Par précaution j’en ai même deux paires mais j’avoue que depuis ce matin, je ne sais plus où j’ai posé les noires rondes. Et là, maintenant, il y a le Grand qui s’agite.
- Je cherche mes lunettes.
- Tu veux que je te téléphone?
- Pffff. T'es nouille. Je vais voir au potager.
Un quart d’heure plus tard.
- J’ai vu plein de choses mais j’ai pas trouvé mes lunettes. Bon, en attendant je mets celles-là.
- Comment ça, tu mets celles-là?... Hé, t’as retrouvé mes lunettes rondes!
Oui, c’est un peu plat. Comme mon encéphalogramme au niveau du suivi des nouvelles ces derniers jours. Une certaine lassitude. C’est toujours la même chose, non? Les mêmes têtes, les mêmes constatations, la même tristesse, quelques rares élans joyeux, les mêmes discours et les mêmes contradictions.
Pour tout dire, je n’ai pas suivi la conférence de presse de mercredi. Je suis allée voir le résumé chez Thomas Wiesel, ça m’a amplement suffi. Il y a une semaine, je m’étais tapée la transcription sténo du show pour vos beaux yeux mais là, y en a marre. Je sais pas comment il fait, lui, Wiesel, il a de l’endurance. Ça doit être l’âge.
C'est incroyable, je voulais un diaporama mais Wix ne me permet pas de garder le format et rogne le texte.
Il y a 6 mois, je pouvais le faire. Elles sont vraiment bien, leurs mises à jour.
Et le groupe WhatsApp du hameau, il est d’une tristesse également. Depuis que vous-savez-qui a décrété d’entrée qu’il ne fallait pas mettre de la friture sur la ligne avec des messages qui n’ont rien à voir avec la sauce, personne ne tente de péter un coup, il se passe juste rien. De temps en temps, une bonne âme signale qu’elle va faire les courses, quelqu’un a-t-il besoin de quelque chose? Là, personne n’ose répondre. Et comme certains allument leur bigophone un jour sur trois, une fois passé le week-end il y a Maria qui dit : Oui, un pain.
Heureusement que Franssois pense à moi et m’occupe en me balançant ses textes. Mercredi, alors que je gribouille des seins et des bites sur ma tablette, je sors prendre l’air un moment et tombe sur un nuage semblable à un gros sourcil froncé au-dessus de l’atelier. Ça y est, c’est mon grand-père, il m’a vue. Vite, je finis le boulot cachée sous la couverture, de toute façon, même si le beau temps est revenu, je ne parviens pas à me réchauffer.

Jeudi, une fois de plus, Franssois sauve ma journée alors que je planche sur son texte «Je m’y suis mis.»



Bon, je dois l’admettre, j’avais déjà optimisé ma journée avant que Franssois ne sorte de la douche. Ce jeudi matin, j’étais partie vers 8h crapahuter en forêt et voir si j’y trouvais des trucs vivants. J’ai entamé le circuit de base: monter derrière la maison rose, aller au bout du chemin pour contempler la vallée qui s’éveille, Ponte Tresa et un tout petit bout du lac de Lugano. Écouter le coucou et les autres chants d'oiseaux. C’est à cet instant que l’hélicoptère de l’armée a commencé à tourner au-dessus de moi. Je rappelle que la frontière est à quelques centaines de mètres et qu’ils vérifient régulièrement la contrebande de laurier sauvage qui pourrait s’effectuer à pieds.
Je suis alors repartie dans l’autre sens, j’ai longé le camping et je suis arrivée vers l’étang. Une ombre est passée au-dessus de ma tête, c’était Carla. J’ai branché ma vidéo mais l’hélico continuait son cirque, ça m’agace, alors, il a pas vu que j’étais en plein tournage et que je vais devoir renvoyer toute mon équipe si ça continue? Mon héron cendré devait certainement petit déjeuner de grenouilles derrière les roseaux. Avec le peu de pluie que nous avons eu ces derniers jours, le niveau d’eau est néanmoins un peu remonté. J’avais cependant peur que Carla n’ait quitté la région à cause de la sécheresse. Soudain, elle a décollé et a tournoyé pour prendre de la hauteur et repartir vers Astano puis la vallée. C'était magnifique. Dans la boite, Josiane! (Parfois, je ne mets pas de circonflexe car si je le fais, Wix m'efface définitivement tout le haut de mon texte. C'est nouveau, ça vient de sortir.) Assez pour aujourd’hui. Allez, encore deux ou trois zigzags parmi les châtaigniers pour essayer de trouver Eva, ma chevrette et je rentre au chalet.
Cela faisait maintenant bien trois quarts d’heure que je tournais le Projet Blair Witch et j’entendais toujours l’hélicoptère. Je me suis finalement demandée s’ils ne m’avaient pas repérée. S’ils s’amusaient à me tracer avec mon portable, ils ne devaient pas être déçus. Je me suis alors préparée à voir soudain un mec cagoulé et armé descendre devant moi au bout d’un filin.
- Je fais rien de mal, monsieur le douanier, je cherche une cigogne.
J'ai finalement regagné mes pénates sans encombre et assise sous la tonnelle, j'ai visionné les rushes. Et je me suis aperçue que la grande pive que je suis n'avait pas appuyé sur le bouton au bon moment et que je n'étais pas en possession du magnifique envol matinal. Par contre, j'avais 13 minutes 21 de vidéo de mes chaussures en train de fouler des feuilles mortes. Je vais peut-être faire du Godard.
J'imagine bien que sans les images, vous pouvez difficilement croire que tout ce que je vous dis est vrai. Je suis tombée sur cette photographie dans le groupe du Malcantone. Voilà, c'est elle! C'est Eva, avec des bois. Alors, Philippe, c'est vraiment une chevrette, la mienne?

Vendredi, c’était matinée balade avec ma tante et en principe, ça, c’est pas plat. En partant du hameau, on peut, entre autres, effectuer une boucle dans nos maquis qui nous permet de voir des montagnes, dont la neige du Mont-Rose, des rivières, des cascades, une marmite, des petits ponts de bois, des bergeries, un moulin en ruine et trois villages bucoliques.
C’était pour vous donner envie de venir dans notre chambre d’hôtes et visiter la région, mais d’ici là, il risque de ne plus y avoir de forêt. Peut-être que l’on verra réapparaître un maître d’état quelques temps après avoir envoyé un certain nombre de messages sans réponse. Parce que j’avais bien compris que tous les (petits) chantiers étaient arrêtés mais pour faire un devis, ça ne devrait pas poser autant de problèmes, si? Et aujourd’hui alors que je venais de charogner une fois de plus sur le maçon devant son préventif illisible extorqué par la force, je le croise sur Facebook en proposition d’ami. Le mec, il me nargue sur sa photo de profil, chemise blanc cassé au col Mao négligemment déboutonnée mais heureusement sans médaillon de la Sainte-Vierge en or, sa bobine disparaissant de moitié derrière un énorme verre de Merlot. On voit tout de suite où sont ses priorités, ça fait plaisir. Remarquez, il aurait posé avec son casque de chantier, j’aurais rigolé aussi. Ce que je peux être méchante et jugeante. Il faut vraiment que je me calme.
Ça fait depuis le mois d’octobre qu’on essaie de changer de porte d’entrée. Elle a vécu. Lorsqu'elle est fermée, on peut passer le bras dessous pour aller couper de la ciboulette. Avec le menuisier, pareil, si on ne le recontacte pas de temps en temps, même avant ce merdier, on ne sait pas trop s’il a pris une année sabbatique. Hier, j’ai été contente d’apprendre, et en plus par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre, que ma fenêtre était prête et qu’elle était très belle. Mais je reste positive et je critique pas. Une fenêtre, c’est utile aussi.
Comme vous pouvez le constater, même si c’est plat, on trouve encore de quoi passer le temps avec notre sac de joie et de bonne humeur.
Et le Grand, il a même réussi à planter des cigognes.


Chat ayant perdu un bout de queue.
Il faut vraiment que je retrouve mes lunettes.
Portez-vous bien, on se tient au jus.
P.S: Vélociraptor est en pleine forme. Après Dupond et Dupont, nous avons maintenant Dupons installé au séjour. On a passé à un cheveu de devoir l’héberger dans le placard à vaisselle. Je me réjouis de tirer le buffet quand on mettra le parquet. Mais bon, on a le temps, tranquilla, va con calma. Ça se mange, les lézards séchés?