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Hôpital

Photo du rédacteur: KarinKarin

Cette structure hospitalière est plantée au milieu de rien dans un endroit justement appelé « il Deserto » Le plus vieux des trois bâtiments principaux est un couvent carmélite construit au XVIIe siècle. Devenu résidence privée puis orphelinat au cours des siècles suivants, il a été racheté par la Croix-Rouge italienne en 1917 qui y trouve le site idéal pour soigner les malades de la tuberculose. Non loin des lacs, au pied des montagnes, au milieu d’une forêt de hêtres et à l’écart de toute habitation, le sanatorium est très vite victime de son succès et les quelques 50 lits dans l’ancien couvent ne suffisent plus à accueillir les malades.



On construit un deuxième édifice inauguré en 1920. Le soin des malades étaient assurés par des médecins spécialistes mais aussi par des Soeurs engagées comme infirmières.




Même si l’entier de la structure pouvait accueillir 200 malades, ceux-ci continuaient à affluer et on se lança alors dans la construction du troisième bâtiment qui lui fut achevé à la fin des années 60. Avec une rampe couverte pour le relier à l’autre bâtiment typique du goût architectural de cette époque.  Entre temps, la tuberculose avait donné le tour alors que le sanatorium pouvait accueillir 400 patients. 

En 1971, il perdit son statut de sanatorium pour être considéré comme hôpital, spécialisé dans la réhabilitation. Il n’était alors plus géré par la Croix-Rouge et devenait la 4ème structure hospitalière plus importante de la région du Varesotto. Il comprenait des services de chirurgie, de cardiologie, de radiologie. Des dentistes et des physiothérapeutes. Il fonctionnait comme une véritable petite ville avec des bibliothèques, des salles de jeux, une salle de spectacle, des ateliers d’artisanat. Sans compter les cuisines, réfectoire pour les visiteurs, laboratoire, pharmacie et ateliers mécaniques. Une petite station météo était gérée par les patients.



Et bien sûr l'hôpital avait son église et sa grotte de Lourdes.

En 1955, devant l’afflux de malades, la Croix-Rouge confia à l’ingénieur Eugenio Rezia la conception de l’église, l’ancienne ayant été détruite lors de la réfection du couvent en 1917. Elle fut terminée en 1962 avec un tunnel la reliant au bâtiment principal afin de la rejoindre par tous les temps. Elle se veut assez moderne avec ses vitraux en fer représentant des arbres tout en respectant le matériau du lieu, la pierre de porphyre rouge.



Malgré toutes ses installations et la grotte de Lourdes, l’hôpital a fermé pour d’obscures raisons au tout début du troisième millénaire. Il a cependant rouvert partiellement en 2020 au plus fort de l’épidémie de COVID pour accueillir des patients atteints venant de toute la province de Varese, la plus touchée d’Italie. Après le départ du dernier patient, il a été maintenu quelques temps au vu d’une nouvelle vague puis a été abandonné du jour au lendemain apparemment avec armes et bagages. Depuis des années, un Comité pour l’hôpital demande sa réouverture. L’ancien complexe a été repris par la Société hospitalière de Varese qui après des années de patinage va peut-être vaguement entreprendre des travaux afin de créer un pole universitaire spécialisé dans la pneumologie. Le Comité quant à lui déplore le manque d’implication de la Société et des pouvoirs publics. 



En 2022, une vidéo d’un amateur d’urbex publié sur les réseaux sociaux montre qu’il est entré sans encombres dans les bâtiments et y a trouvé des piles de cartons de matériel, masques, blouses, seringues… Sa vidéo a fait le buzz et a provoqué la colère des gens du coin et du Comité. Un journaliste est allé sur les lieux et a constaté qu’effectivement, on pouvait entrer facilement dans le bâtiment, des portes étant soit ouvertes, soit cassées. Des dizaines de cartons s’alignaient dans des couloirs et des pièces humides, voire baignées d'eau. Certains étaient remplis de masques-Pampers heureusement assez vite jugés inefficaces ce qui a empêché la diffusion de la mode par chez nous. Je n’avais jamais vu un truc pareil. Rendez-vous en fin de billet pour l'image choc. Invités à venir constater sur place, quelques médecins et membres du conseil d’administration ont montré une totale mauvaise foi.

-Cette porte, je l’ai toujours vue ouverte, fait le docteur B. en désignant la vitre cassée.

Ils ont dit que tant que les bâtiments n’étaient pas en travaux, ils les utilisaient comme entrepôts pour des stocks dont ils ne savaient pas trop quoi faire. Le médecin de la porte a ajouté que de toute façon, ouverte ou pas, c’était une propriété privée et une infraction si on mettait un pied dedans. Ils ont tempéré en concluant que oui, effectivement, faudrait peut-être trier et remettre en sécurité. 

Peu après notre passage en 2023, il s'y est déroulé un certain nombres d'évènements qui sont difficiles à trier dans les nombreux articles de la presse locale. L’église a été vandalisée et des objets de culte précieux ont été volés dans la maison du curé adjacente. Des meubles ont été arrachés de leurs supports et une vitre cassée.

Lors de notre "visite", la porte du premier étage était alors ouverte et nous sommes entrés à pas feutrés sur le balcon sans aller plus loin. 



Dans la nuit du 24 août 2024, des vandales ont mis le feu au matériel entreposé dans le pavillon principal. Alertés par les voisins de la Communauté del Sorriso, les pompiers de toute la région sont intervenus et Milan a envoyé sa brigade spécialisée en extinctions compliquées, en raison du matériel chimique et radiologique contenu dans l’hôpital. Parce que je vous le donne en mille, il n’avait pas été trié. Le feu a été dominé le lendemain grâce aux pompiers mais également aux carabiniers, secouristes, membres de la protection civile, au Comité et aux volontaires. 



La Communauté du Sourire ne l’a bientôt plus. Cette ancienne villa du directeur réhabilitée en centre pour handicapés sans famille est la seule habitation du périmètre. C’est le personnel qui donne l’alarme en cas d’infraction, surtout la nuit, car le portail d’accès ne ferme plus. Facile alors de monter en voiture pour aller festoyer à l’hôpital. Il semblerait qu’il s’y déroule des rites étranges et on n’est pas à l’abri d’une future rave-party. La Communauté est donc en première ligne pour tous les désagréments. Notamment lorsque les câbles électriques ont été piqués, ce qui a privé les pensionnaires d’électricité et de chauffage. 



Depuis l’incendie, la société qui a racheté la structure a été priée de rendre des comptes et une tentative de surveillance va être mise sur pied. La barrière à l’entrée sera fermée parce qu’ils ont dû retrouver la télécommande. Et l’on va sécuriser les lieux. À savoir le bâtiment principal. Ça prend du temps. Sans compter qu'à peine les travaux commencés, des voyous abattaient déjà des portes murées. Lorsque nous y sommes passés en cette fin d’hiver, trois ouvriers installaient les palissades autour du pavillon alors que cela devait être fait en décembre de l'année dernière.


Quelques 3,7 millions d'euros et 540 jours de travaux sont prévus pour remettre à niveau le bâtiment principal. Pour refaire le site entier, on attend encore de voir qui pourra soutenir ce projet de 24 millions d'euros. D'ici qu'ils se soient mis d'accord, il ne restera plus rien des édifices, alors ça va. Petit hic aussi, le futur hôpital ne compte pas utiliser les énergies propres et la dépense en mazout est estimée à un million et demi par an.


L’hôpital, c’était un peu la fierté des gens d’ici. On le sent en échangeant quelques mots avec le patron du Petit Bar. Qui n’est pas petit, d’ailleurs, il tient à le préciser. Ils ont donc perdu non seulement leur fierté mais aussi leur confort car il faut maintenant faire des kilomètres pour consulter l’un des services qu’avant ils avaient à leur porte. Et desservi par une ligne de bus. 


Lorsque l’on regarde la structure depuis les montagnes avoisinantes, on se rend compte de l’immensité du site. Quant à moi, j’y vois la fantasmagorie de cette période pandémique où l’on y a amené des malades coupés de tout contact, soigné par du personnel venant de l’autre bout de l’Italie car tous les autres bossaient déjà dans les hôpitaux de la région ou en Suisse! On a dû donc créer dans des bâtiments abandonnés depuis longtemps des logements pour les employés qui ne pouvaient pas rentrer chez eux et des chambres aseptisées pour les malades. Entourés d’une forêt de hêtres et de ruines en puissance.

Et si en plus de cela on leur a fait mettre les masques-Pampers!

Le cauchemar.





Sources et photos d'époque: archives de la Croix-rouge italienne, Wikipédia et presse locale.
















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